#histoire du syndicalisme textile
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Louise et Denise Boute, une histoire de syndicalisme et d'égalité des hommes, et femmes.
Le monde de l’entreprise est un monde où l’on cherche bienveillance, solidarité, entre-aide. Le bien vivre ensemble ! Respecter chacun, dans sa diversité. Hommes et Femmes, personnes d’origine étrangères, homosexuels, handicapés… La longue histoire de ma famille s’est ancrée dans ces valeurs de solidarité. Madeleine Singer, historienne de la CFDT, retrace ici son histoire. Louis Boute et…
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1940: Le syndicalisme enseignant dans la tourmente
Avant la seconde guerre mondiale, en terme d’effectifs, quand on parle syndicalisme enseignant, on parle du Syndicat National des Instituteurs avec ses plus de 100 000 adhérents, qui pèsent, dans la CGT. Le syndicalisme du second degré ne rassemble que quelques milliers d’adhérents et les concurrents de la CFTC ou du SNALC viennent à peine d’être créés deux ou trois ans auparavant. L’article que j’écris s’appuie sur la lecture des derniers numéros de «l’école libératrice », organe du « Syndicat National » depuis 1929. Une lecture biaisée puisque je ne l’ai pas croisé avec des sources externes mais elle permet d’entrevoir la vision de l’Europe et du monde qu’avaient des dirigeants syndicalistes, avec leur place particulière dans la société comme instituteurs. 1939/1940, c’est la dernière année scolaire avant l’apocalypse, c’est déjà une Ecole de crise dont les mesures exceptionnelles sont intéressantes à étudier dans le contexte actuel.
La paix avant tout
Le Syndicat National des Instituteurs n’a jamais renoncé au pacifisme. Il défend des solutions pacifiques face à la montée des tensions en Europe en 1938/1939 (voir mon précédent article https://nicolasanoto.tumblr.com/post/633308234190667776/19381939-des-instituteurs-pacifistes-jusquau ). Fin septembre 1939, l’édito de « l’école libératrice » s’intitule encore, après l’invasion de la Pologne et l’entrée en guerre de la France « le SNI ne renonce pas à l’idéal de paix ». Les dirigeants ont tout fait pour éviter la guerre, multipliant les contacts avec d’autres syndicats européens dans l’entre-deux-guerres, lançant encore un appel aux travailleurs d’Europe fin août 1939...en vain.
Le ton va changer lentement, mais de nombreux éditos sont retouchés par la censure pendant la « drôle de guerre », celui d’octobre 1939 intitulé « possibilités de paix » est carrément effacé et la page laissée blanche. D’autres passent : Edito de janvier 1940 où on anticipe une future paix où on démembrerait l’Allemagne et où on se lancerait dans la construction européenne. Edito « communauté des périls » du 18 mai 1940 où le SNI se résout à l’impossibilité de la paix et “condamne l’agression nazie”, adoptant un ton patriotique rare et inédit pour se tourner vers “ceux qui se battent pour sauvegarder notre sécurité, notre indépendance, nos libertés, notre communauté nationale ».
Depuis février 1939, la principale bataille syndicale, c’est la lutte contre la « défense passive », un enseignement à assurer dans les écoles pour préparer les élèves à la guerre avec 12 heures d’exercices pratiques pour le port du masque (assez drôle dans le contexte actuel mais il s’agit des masques à gaz). Le SNI se plaint que le conseil supérieur de l’Instruction Publique n’a pas été consulté pour le mettre en œuvre. La commission d’éducation sociale du SNI lutte contre la mise en œuvre de cet enseignement, contre le fait que des enseignants soient obligés de l’assurer. Le syndicalisme prend aussi à bras-le-corps les problèmes du moment, comme la réouverture des écoles parisiennes après 3 mois de fermeture en décembre 1939 : comment assurer l’accueil pour un tiers des élèves alors que tous les personnels ne sont pas revenus ? Comment adapter les locaux scolaires à la défense passive ?
Le SNI prend enfin toute sa place dans le rapprochement franco-britannique qui s’ébauche face à la guerre: création d’un comité syndical franco-britannique en mars 1940, visite d’une délégation de la « national teachers union » annoncée le 18 mai 1940 ou encore édito du 6 juin qui salue l’emergency power bill qui met tous les bien de la nation à la disposition de l’État...
L’école en temps de guerre
L’école avant la guerre ignore tout du cataclysme qui l’attend: en avril 1939, la priorité du SNI dans l’édito de « l’école libératrice » qui s’intitule « offensive contre nous », ce n’est pas de dénoncer l’impérialisme allemand, mais bien la stagnation des traitements et les mesures de rigueur budgétaire.
L’école en temps de guerre s’organise du point de vue institutionnel, et le SNI est associé aux mesures ministérielles adoptées pour faire faire face, d’abord, à l’entrée en guerre. Des mesures sont prises dans tous les domaines : la circulaire du 30 mars 1940 revoit par exemple à la baisse la longueur des prochaines vacances d’été. « L’enseignement critique » est prévu par le ministère qui demande aux enseignants d’écouter la radio avec les élèves tous les matins à 8h30 (Un lointain ancêtre des projets pédagogiques contre les « fake news »). Certains locaux, dont les écoles normales, sont réquisitionnés, ce qui nécessite le relogement des « normaliens ». Les enseignants mobilisés sont remplacés par des non-titulaires qu’il faut accueillir et former, ce qui nécessite la réunion de la commission nationale « jeunes » du syndicat en novembre 1939 : c’est un enjeu de développement syndical !
L’invasion du territoire national en mai 1940 nécessite aussi d’autres mesures : « l’école libératrice » revient dans un long article sur la circulaire du 27 mai 1940 sur le paiement des émoluments des personnels repliés. Des tableaux récapitulent le déplacement des inspections académiques et des sections syndicales face à l’avancée des Allemands : Celle des Ardennes dans les Deux-Sèvres, du Nord à Rennes, du Pas de Calais dans la Sarthe... « L’école libératrice », principal support d’information des instituteurs, fait suivre la consigne donnée aux enseignants de se replier sur des lieux donnés pour prendre en charge des classes de réfugiés.
Le syndicalisme en temps de guerre, c’est aussi être le porte-parole des émotions, des angoisses et des demandes des collègues. Le SNI annonce traiter 300 à 400 lettres par jour, où les enseignants parlent des classes de réfugiés, du désarroi d’élèves traumatisés, du rôle des instituteurs comme secrétaires de mairie, pour gérer l’accueil des réfugiés de l’Exode. Les instituteurs ont pris toute leur place, immense dans la République, dans la gestion de cette tragédie nationale.
Le monde de l’éducation, cette nébuleuse associative, syndicale, mutualiste, qui occupe toujours une place importante aujourd’hui, prend aussi des initiatives : une œuvre nationale d’accueil des enfants évacués est par exemple créée dès les premiers mois de la guerre par le SNI, les pupilles de l’enseignement public (PEP), la ligue de l’enseignement, la Jeunesse en Plein Air (fédération des colonies de vacances) et les délégués cantonaux de l’éducation nationale. Cette question de l’exode des enfants occupe une part importante dans « l’école libératrice » dont c’est la une en octobre 1939. Le SNI fait des propositions sur le bâti des camps pour enfants réfugiés en novembre 1939 avec une comparaison des choix faits par l’Angleterre.
« L’école libératrice » publie dans ses colonnes des publicités pour les colis alimentaires et textiles que propose la ligue de l’enseignement pour les soldats du front. Elle relaie toutes les initiatives syndicales nationales et locales : caisses de secours entre instituteurs, service de recherches pour les disparus. Elle participe à l’effort de guerre, en soutenant les campagnes de récupération de ferraille en mars 1940. Le SNI n’oublie pas l’angoisse des élèves, et la bande dessinée « copain cop » qu’il publie se transforme avec une version de guerre pour parler de l’éloignement des amis en temps de guerre.
Les instituteurs sur le front
A la déclaration de guerre du 3 septembre à 17h, de nombreux militants du SNI sont mobilisés, dont le secrétaire général André Delmas. Un article de « l’école libératrice », à la mi-septembre 1940, intitulé « nos tâches présentes » présente la réorganisation du bureau du SNI avec un intérim assuré par Georges Lapierre (qui mourra en déportation, mais c’est une autre histoire). Dès les premières semaines, « l’école libératrice » se lance dans un travail de fourmi pour gérer les conséquences de la mobilisation : gestion des adresses des instituteurs réservistes pour recevoir les publications, réduction de la taille du magazine face aux pénuries de papier, crise interne à la CGT avec l’exclusion des cadres communistes (dans la mesure où l’Allemagne a signé un pacte de non-agression avec l’URSS fin août qui n’est pas dénoncé par les communistes français)...Une nouvelle rubrique, « nos morts pour la guerre », est créée dès les premières semaines de la guerre.
Le SNI s’intéresse beaucoup à la gestion des enseignants mobilisés : le paiement des soldes, la revendication pour des « congés » spéciaux pour les épouses de soldats qui reviennent de permission font l’objet d’articles dans sa revue. Si le SNI participe à l’union nationale face à la guerre, il continue les combats syndicaux traditionnels, et dénonce la circulaire du 7 février 1940 qui supprime les congés pour convenance personnelle ou encore la suspension de l’avancement à la fin mai 1940.
Au final, la lecture des bulletins syndicaux de cette année exceptionnelle m’a marqué. Elle témoigne de la surprise qu’a dû représenter pour la société française le passage à une société et à une économie de guerre. Elle témoigne aussi de la sincérité de l’engagement pacifique d’enseignants qui ont su pourtant tenir leur place avec passion dans la crise qu’a représenté l’Exode en mai/juin 1940. Les enseignants ont une responsabilité particulière en temps de crise.
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